L’idée d’une comptabilité environnementale est née
vers les années 1970. Plusieurs débats
sociétaux et empiriques se sont alors ouverts.
Le
développement durable est au cœur de toute cette tentative de déplacement des
pratiques comptables traditionnelles. Ce
dernier se défini comme un « développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une
vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable
des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de
développement ». Confrontée à plusieurs principes comptables,
cette définition tend à prouver la nécessité de tenir en compte l’environnement
dans la stratégie et la structure financière de toutes entreprises : le
principe de prudence refuse l’hypothétisation
non fondée, de même que le principe de continuité d’exploitation et de
maintenance du patrimoine oblige à prendre en compte un horizon temporel
éloigné et à en considérer tous les aléas connus ou possibles! On voit clairement, dans la confrontation de
sa simple définition aux principes comptables, que le développement durable se
fracasse à un univers purement économique, se limitant souvent au court terme
et à la nécessité de se chiffrer exclusivement en dollars. On doit se battre contre un géant : les
états financiers et le budget!
Plus
loin encore que la simple confrontation des principes comptables, le
resserrement des règlementations, la détérioration dénoncée de l’environnement,
les débats sociétaux, la vision politicalisée
et largement diffusée de la relation win-win
entre environnement et économie, forcent les entreprises à se repositionner sur leur
intégration des questions environnementales.
Le choix se transforme, dès lors, en obligation. Une obligation différente pour tous :
maintien de l’image, règlementations, pérennité à long terme, concurrence,
mode, stratégie, etc.
Deux
modèles naîtront des débats de ce nouvel impératif: le modèle économique
classique et le modèle de Porter. Le premier considère la pollution comme une
externalité négative qui entraîne nécessairement des coûts et affecte la
rentabilité de l’entreprise (théorie des externalités négatives). Nous sommes ici dans la relation win-loose et dans la tentative d’un
calcul ‘coûts-bénéfices’, largement
critiqué dans cette optique environnementale.
Le deuxième modèle, introduit par Porter (Porter, 1991; Porter & Van
Der Linde, 1995), défini ces mêmes pressions environnementales comme un
incitatif d’amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Plusieurs travaux
subséquents tendront à prouver les avantages qui découlent d’investissements
environnementaux (Landry, 1990; Robins, 1992).
Avec Porter, on revient donc à la perspective ‘win-win’ évoquée précédemment.
Évidemment, l’intangibilité et l’inconsistance des mesures affectées à
ce type d’investissement feront naître des résultats contradictoires. Les travaux de Azzone & Bertèle (1994) et
de Lanoie et Tremblay (1999) valident l’hypothèse de Porter, alors que ceux de
Boyd & McCelland (1999) & de Palmer, Oates & Portney (1995) la
révoque.
On
s’est aussi demandé qui, dans cette sacro-sainte
comptabilité, était l’acteur clé de la mise en place de ce nouveau type de
prise en compte des coûts? Certains
attribueront le rôle de la diffusion et de sensibilisation au comptable, en
raison de son poste clé, voire de sa crédibilité (Medley, 1997; Reyes,
2001). D’autres contesteront la capacité
de ce dernier à jouer le rôle de facilitateur, évoquant le fait que son «
attachement au paradigme financier l’amène à traduire la responsabilité sociale
de l’entreprise sous forme de gestion des risques et de création de valeur […],
ce qui conduit à voir la responsabilité sociale de façon réductrice et nuit à
l’émergence d’une véritable reddition de compte ». Les études empiriques s’attarderont ensuite
sur l’attitude même du comptable face à cet ajout d’expertise. Certains perçoivent chez lui une hésitation
(Deegan, 1996; Wilmshurt & Frost, 2001), d’autres décèlent une attitude
positives et une ouverture certaine (Bebbington, 1994; Lodhia, 2003).
Nous
sommes davantage, ici, face à un débat idéologique découlant du manque de
variables tangibles qui pourraient rendre ce calcul coûts-bénéfices de
l’investissement environnemental, fort et viable pour la communauté
comptable.
De
la vision pessimiste d’Alfred Marshall (1842-1924), qui définissait les
externalités liées aux coûts environnementaux comme « des conséquences néfastes
qui découlent de la production ou de la consommation d’un bien ou d’un service
et qui sont transférées à une terce partie extérieure à l’entreprise »,
on passe aux affirmations du gourou du développement durable, Bob Willard,
qui affirme fermement, dans son ouvrage, que nous sommes en face d’une arme
concurrentielle très puissante.
Références
Boiral,
Olivier, (2004), Environnement et économie : une relation équivoque, Vertigo- revue électronique des sciences
de l’environnement, volume 5, numéro 2, novembre.
Caron,
Marie-André; Ferchichi, Anne; Nars-Eddine, Mohamed, (2006), Le comptable et la responsabilité sociale de
l’entreprise, Une question de connaissance ou de compétences? Gestion, Été, volume 31, numéro 2,
p.92-100.
CMA Canada,
(1999), Comptabilité de développement durable : point de vue de
l’entreprise.
CMA Magazine,
Responsabilité sociale : À combien peut-on estimer la valeur des abeilles
et de la pluie?, Juillet-août 2012, p.28-29.
Malo, Jean-Louis, (1999), Développement durable et principes comptables,
Comptabilité-Contrôle-Audit, Volume
1, mars, éditorial.