mardi 22 octobre 2013

Un regard 360° sur la méthode du coût complet

Les gestionnaires de tout type d’organisation ont pour objectif d’assurer la légitimité de l’entité par l’entremise de sa responsabilité sociale, économique et écologique. Les décisions de nature stratégique, notamment celles incluant l’aspect du développement durable nécessitent des réflexions et des analyses beaucoup plus approfondies, que la prise de décision opérationnelle. En ce sens, l’approche du coût complet est un outil d’analyse fort intéressant mis à la portée des décideurs.
D’entrée de jeu, la première question à se poser est la suivante : En quoi consiste la méthode du cout complet?  L’ICCA s’est penchée sur le sujet et a proposé la définition qui suit : « La comptabilisation du coût complet consiste à intégrer les coûts internes (y compris la totalité des coûts environnementaux internes) engagés par une entité aux coûts externes liés aux impacts de ses activités, de son exploitation, de ses produits ou de ses services sur l’environnement.» (ICCA, 1997, p. 12)
En quoi se distingue l’approche du coût complet versus les autres techniques d’analyses traditionnelles relatives aux investissements? La différence réside dans le fait que cette méthode considère d’emblée tous les coûts internes et externes en comparaison à l’analyse des flux de trésorerie ou au délai de récupération. La preuve étant que «Les calculs effectués selon la méthode de l’actualisation des flux de trésorerie, par exemple, ne tiennent généralement pas compte du fait qu’une usine perd de son efficience à la fin de sa vie utile (ni des risques accrus d’émissions et de déversements qui accompagnent une telle perte d’efficience)[1]».
Afin de réaliser avec brio une analyse du coût complet, il y quatre étapes à respecter. En premier lieu, il faut relever tous les coûts associés de près ou de loin au projet d’investissement étudié. Cette tâche n’est pas une mince affaire, car elle doit tenir compte des coûts traditionnels de l’entreprise, des coûts intangibles et des externalités. Avoir recours à des scénarios à la fois optimistes et pessimistes peut aider les gestionnaires à dresser un portrait global des coûts qui sont susceptibles de se réaliser. En deuxième lieu, il s’agit de pouvoir déterminer les objets de coût. C’est-à-dire de relier les coûts à des processus ou bien à des activités au sein du processus de fabrication ou de l’offre de service. Cela nécessite une compréhension approfondie du fonctionnement interne de l’organisation ainsi que des conséquences positives et négatives engendrées sur la communauté.  Par le fait même, il est possible de déceler quels sont les processus ou activités ne contribuant aucunement à la création de valeur. Ainsi, les gestionnaires seront enclins à remanier les processus et à émettre des recommandations en vue de diminuer, voire même d’éliminer les activités n’ayant aucune valeur ajoutée. En troisième lieu, il importe de déterminer un horizon temporel en lien avec le projet d’investissement. Sur la période étudiée, il faut tenir compte des coûts pouvant être évités en optant pour le projet à dimension environnementale. À l’inverse, les amendes et répercussions négatives découlant d’un projet ne respectant pas tout à fait les normes et législations doivent également être considérées. Enfin, tout projet d’investissement doit être actualisé, c’est pourquoi la quatrième étape incorpore des indicateurs financiers à l’analyse.

L’envers de la médaille
Tel qu’illustrée précédemment, l’analyse du coût complet semble être une technique d’analyse remarquablement bien pensée. C’est en partie le cas, car elle ne laisse pas place à la sélection de données en termes de coûts,  de sorte à vouloir avantager un projet au détriment d’un autre. Elle se démarque des analyses traditionnelles car elle incorpore les coûts abstraits et diffus, et c’est ce qui en fait sa force. Toutefois, sa force peut également se révéler être son talon d’Achille. En effet, la principale faiblesse de cette approche réside dans l’incertitude face aux coûts intangibles et aux externalités. Notons, que recenser tous les coûts directs et indirects nécessite une collecte de données considérable, qui elle-même soit dit en passant entraîne des coûts. De plus, lorsque vient le temps d’internaliser les coûts externes, il faut faire preuve d’un sens critique aiguisé car les gestionnaires peuvent tomber dans le piège de ne pas voir plus loin que le bout de leur nez ou à l’inverse de plonger dans des liens de causalité sans fin. Par ailleurs, les externalités étant diffuses, elles reposent principalement sur des estimations pouvant être biaisées. Cela risque de ne pas mener à une comptabilisation incomplète des coûts. Enfin, étant donné que les décideurs aiment prendre appui sur des données fiables lors de projets d’investissements, peut-être seront-ils tentés de mettre à l’écart la méthode du coût complet qui comporte son lot d’estimations?

Somme toute, cette méthode requière une rigueur intellectuelle dans la mise en œuvre de chacune de ces quatre étapes. En outre,  «La comptabilisation du coût complet permet parfois de découvrir des coûts externés qu’il est possible d’éliminer en repensant la conception des produits, des activités ou de l’exploitation»[1].


Application du coût complet chez Ontario Hydro
Étant donné que l’établissement des coûts liés au processus de fabrication et à l’offre de service s’avère un peu plus facile à cerner, nous avons opté pour une illustration des méthodes permettant l’évaluation des coûts externes. Cet exemple est tiré de l’application du modèle du coût complet par l’organisation publique Ontario Hydro. Ce tableau résume les moyens entrepris par Ontario Hydro pour chiffrer une valeur monétaire aux externalités de ses activités sur les actifs naturels.

Méthode
Description

            Méthode 
du prix du 
marché
  •  Se base sur l’information des prix du marché (exemple : contamination de terres _ valeur marchande du blé
  •  Utilisée lorsque le bien est usuellement échangé sur le marché


Méthode 
des coûts de
déplacements
  • Estime la valeur des bénéfices liés à l’usage récréatifs des actifs naturels
  • Repose sur l’hypothèse que les individus manifestent l’intensité de leur demande d’usage d’un site récréatif par l’ensemble des dépenses qu’ils engagent pour s’y rendre et pour pratiquer l’activité



Méthode
 des prix
hédonistes
  • Évalue la variation de valeur liée à un bien d’habitation en fonction de son milieu environnant
  • Repose sur l’hypothèse d’un lien entre le prix d’un bien d’habitation et ses différentes caractéristiques, notamment celles relatives à son environnement


Méthode 
d’évaluation
contingente
  •  Se base sur une interrogation directe des individus pour estimer leur consentement à payer de l’argent pour obtenir une amélioration de l’environnement ou à recevoir de l’argent pour accepter une dégradation de l’environnement

Source : compilation d’après CMA, (1996, p. 42) et Bréchet (2005b, p. 5)







[1]Doody, H., La durabilité environnementale : outils et technique, 2010, 83 p.



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