Les
gestionnaires de tout type d’organisation ont pour objectif d’assurer la
légitimité de l’entité par l’entremise de sa responsabilité sociale, économique
et écologique. Les décisions de nature stratégique, notamment celles incluant
l’aspect du développement durable nécessitent des réflexions et des analyses
beaucoup plus approfondies, que la prise de décision opérationnelle. En ce
sens, l’approche du coût complet est un outil d’analyse fort intéressant mis à
la portée des décideurs.
D’entrée
de jeu, la première question à se poser est la suivante : En quoi consiste
la méthode du cout complet? L’ICCA s’est
penchée sur le sujet et a proposé la définition qui suit : « La
comptabilisation du coût complet consiste à intégrer les coûts internes (y compris
la totalité des coûts environnementaux internes) engagés par une entité aux coûts
externes liés aux impacts de ses activités, de son exploitation, de ses
produits ou de
ses services sur l’environnement.» (ICCA, 1997, p. 12)
En
quoi se distingue l’approche du coût complet versus les autres techniques
d’analyses traditionnelles relatives aux investissements? La différence réside
dans le fait que cette méthode considère d’emblée tous les coûts internes et
externes en comparaison à l’analyse des flux de trésorerie ou au délai de
récupération. La preuve étant que «Les calculs effectués selon la méthode de
l’actualisation des flux de trésorerie, par exemple, ne tiennent généralement
pas compte du fait qu’une usine perd de son efficience à la fin de sa vie utile
(ni des risques accrus d’émissions et de déversements qui accompagnent une
telle perte d’efficience)[1]».
Afin de
réaliser avec brio une analyse du coût complet, il y quatre étapes à respecter.
En premier lieu, il faut relever tous les coûts associés de près ou de loin au
projet d’investissement étudié. Cette tâche n’est pas une mince affaire, car
elle doit tenir compte des coûts traditionnels de l’entreprise, des coûts
intangibles et des externalités. Avoir recours à des scénarios à la fois
optimistes et pessimistes peut aider les gestionnaires à dresser un portrait
global des coûts qui sont susceptibles de se réaliser. En deuxième lieu, il
s’agit de pouvoir déterminer les objets de coût. C’est-à-dire de relier les
coûts à des processus ou bien à des activités au sein du processus de
fabrication ou de l’offre de service. Cela nécessite une compréhension
approfondie du fonctionnement interne de l’organisation ainsi que des
conséquences positives et négatives engendrées sur la communauté. Par le fait même, il est possible de déceler
quels sont les processus ou activités ne contribuant aucunement à la création
de valeur. Ainsi, les gestionnaires seront enclins à remanier les processus et
à émettre des recommandations en vue de diminuer, voire même d’éliminer les
activités n’ayant aucune valeur ajoutée. En troisième lieu, il importe de
déterminer un horizon temporel en lien avec le projet d’investissement. Sur la
période étudiée, il faut tenir compte des coûts pouvant être évités en optant
pour le projet à dimension environnementale. À l’inverse, les amendes et
répercussions négatives découlant d’un projet ne respectant pas tout à fait les
normes et législations doivent également être considérées. Enfin, tout projet
d’investissement doit être actualisé, c’est pourquoi la quatrième étape
incorpore des indicateurs financiers à l’analyse.
L’envers de la médaille
Tel qu’illustrée précédemment, l’analyse du coût complet semble être une
technique d’analyse remarquablement bien pensée. C’est en partie le cas, car
elle ne laisse pas place à la sélection de données en termes de coûts, de sorte à vouloir avantager un projet au
détriment d’un autre. Elle se démarque des analyses traditionnelles car elle
incorpore les coûts abstraits et diffus, et c’est ce qui en fait sa force.
Toutefois, sa force peut également se révéler être son talon d’Achille. En
effet, la principale faiblesse de cette approche réside dans l’incertitude face
aux coûts intangibles et aux externalités. Notons, que recenser tous les coûts
directs et indirects nécessite une collecte de données considérable, qui
elle-même soit dit en passant entraîne des coûts. De plus, lorsque vient le
temps d’internaliser les coûts externes, il faut faire preuve d’un sens
critique aiguisé car les gestionnaires peuvent tomber dans le piège de ne pas
voir plus loin que le bout de leur nez ou à l’inverse de plonger dans des liens
de causalité sans fin. Par ailleurs, les externalités étant diffuses, elles
reposent principalement sur des estimations pouvant être biaisées. Cela risque
de ne pas mener à une comptabilisation incomplète des coûts. Enfin, étant donné
que les décideurs aiment prendre appui sur des données fiables lors de projets
d’investissements, peut-être seront-ils tentés de mettre à l’écart la méthode
du coût complet qui comporte son lot d’estimations?
Somme toute, cette méthode requière une rigueur intellectuelle dans la
mise en œuvre de chacune de ces quatre étapes. En outre, «La comptabilisation du coût complet permet
parfois de découvrir des coûts externés qu’il est
possible d’éliminer en repensant la conception des produits, des activités ou
de l’exploitation»[1].
Application du coût complet chez Ontario Hydro
Étant donné que l’établissement des coûts liés au
processus de fabrication et à l’offre de service s’avère un peu plus facile à
cerner, nous avons opté pour une illustration des méthodes permettant l’évaluation
des coûts externes. Cet exemple est tiré de l’application du modèle du coût
complet par l’organisation publique Ontario Hydro. Ce tableau résume les moyens
entrepris par Ontario Hydro pour chiffrer une valeur monétaire aux externalités
de ses activités sur les actifs naturels.
Source
: compilation d’après CMA, (1996, p. 42) et Bréchet (2005b, p. 5)
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