mardi 22 octobre 2013

Une petite mise en place : les origines, enjeux et débats


           L’idée d’une comptabilité environnementale est née vers les années 1970.  Plusieurs débats sociétaux et empiriques se sont alors ouverts. 


         Le développement durable est au cœur de toute cette tentative de déplacement des pratiques comptables traditionnelles.  Ce dernier se défini comme un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement »[1].  Confrontée à plusieurs principes comptables, cette définition tend à prouver la nécessité de tenir en compte l’environnement dans la stratégie et la structure financière de toutes entreprises : le principe de prudence refuse l’hypothétisation non fondée, de même que le principe de continuité d’exploitation et de maintenance du patrimoine oblige à prendre en compte un horizon temporel éloigné et à en considérer tous les aléas connus ou possibles!  On voit clairement, dans la confrontation de sa simple définition aux principes comptables, que le développement durable se fracasse à un univers purement économique, se limitant souvent au court terme et à la nécessité de se chiffrer exclusivement en dollars.  On doit se battre contre un géant : les états financiers et le budget!

            Plus loin encore que la simple confrontation des principes comptables, le resserrement des règlementations, la détérioration dénoncée de l’environnement, les débats sociétaux, la vision politicalisée et largement diffusée de la relation win-win entre environnement et économie, forcent les entreprises à se repositionner sur leur intégration des questions environnementales.  Le choix se transforme, dès lors, en obligation.  Une obligation différente pour tous : maintien de l’image, règlementations, pérennité à long terme, concurrence, mode, stratégie, etc.

           Deux modèles naîtront des débats de ce nouvel impératif: le modèle économique classique et le modèle  de Porter.  Le premier considère la pollution comme une externalité négative qui entraîne nécessairement des coûts et affecte la rentabilité de l’entreprise (théorie des externalités négatives).  Nous sommes ici dans la relation win-loose et dans la tentative d’un calcul ‘coûts-bénéfices’, largement critiqué dans cette optique environnementale.  Le deuxième modèle, introduit par Porter (Porter, 1991; Porter & Van Der Linde, 1995), défini ces mêmes pressions environnementales comme un incitatif d’amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Plusieurs travaux subséquents tendront à prouver les avantages qui découlent d’investissements environnementaux (Landry, 1990; Robins, 1992).  Avec Porter, on revient donc à la perspective ‘win-win’ évoquée précédemment.  Évidemment, l’intangibilité et l’inconsistance des mesures affectées à ce type d’investissement feront naître des résultats contradictoires.  Les travaux de Azzone & Bertèle (1994) et de Lanoie et Tremblay (1999) valident l’hypothèse de Porter, alors que ceux de Boyd & McCelland (1999) & de Palmer, Oates & Portney (1995) la révoque.

                
            On s’est aussi demandé qui, dans cette sacro-sainte comptabilité, était l’acteur clé de la mise en place de ce nouveau type de prise en compte des coûts?  Certains attribueront le rôle de la diffusion et de sensibilisation au comptable, en raison de son poste clé, voire de sa crédibilité (Medley, 1997; Reyes, 2001).  D’autres contesteront la capacité de ce dernier à jouer le rôle de facilitateur, évoquant le fait que son « attachement au paradigme financier l’amène à traduire la responsabilité sociale de l’entreprise sous forme de gestion des risques et de création de valeur […], ce qui conduit à voir la responsabilité sociale de façon réductrice et nuit à l’émergence d’une véritable reddition de compte »[2].  Les études empiriques s’attarderont ensuite sur l’attitude même du comptable face à cet ajout d’expertise.  Certains perçoivent chez lui une hésitation (Deegan, 1996; Wilmshurt & Frost, 2001), d’autres décèlent une attitude positives et une ouverture certaine (Bebbington, 1994; Lodhia, 2003).

                Nous sommes davantage, ici, face à un débat idéologique découlant du manque de variables tangibles qui pourraient rendre ce calcul coûts-bénéfices de l’investissement environnemental, fort et viable pour la communauté comptable. 

         De la vision pessimiste d’Alfred Marshall (1842-1924), qui définissait les externalités liées aux coûts environnementaux comme « des conséquences néfastes qui découlent de la production ou de la consommation d’un bien ou d’un service et qui sont transférées à une terce partie extérieure à l’entreprise »[3], on passe aux affirmations du gourou du développement durable, Bob Willard[4], qui affirme fermement, dans son ouvrage, que nous sommes en face d’une arme concurrentielle très puissante.

Références
Boiral, Olivier, (2004), Environnement et économie : une relation équivoque, Vertigo- revue électronique des sciences de l’environnement, volume 5, numéro 2, novembre.
Caron, Marie-André; Ferchichi, Anne; Nars-Eddine, Mohamed, (2006),  Le comptable et la responsabilité sociale de l’entreprise, Une question de connaissance ou de compétences? Gestion, Été, volume 31, numéro 2, p.92-100.
CMA Canada, (1999), Comptabilité de développement durable : point de vue de l’entreprise.
CMA Magazine, Responsabilité sociale : À combien peut-on estimer la valeur des abeilles et de la pluie?, Juillet-août 2012, p.28-29.
Malo, Jean-Louis, (1999), Développement durable et principes comptables, Comptabilité-Contrôle-Audit, Volume 1, mars, éditorial.
Ministère du Québec, Développement durable, Environnement, Faune et Parcs, http://www.mddefp.gouv.qc.ca/developpement/definition.htm, [Page consultée le 25 septembre 2013].




[1] Ministère du Québec, Développement durable, Environnement, Faune et Parcs, http://www.mddefp.gouv.qc.ca/developpement/definition.htm, [Page consultée le 25 septembre 2013].
[2] Caron, Marie-André; Ferchichi, Anne; Nars-Eddine, Mohamed, (2006),  Le comptable et la responsabilité sociale de l’entreprise, Une question de connaissance ou de compétences? Gestion, Été, volume 31, numéro 2, p.92.
[3] Hardin, G. (1993), Living within limits: Ecology, economics and population taboos, New-York, Oxford University Press.
[4] Dans son ouvrage : The New Sustainability Advantage : Seven Business Case Benefits of a Triple Bottom Line, New Society Publishers, 2012.

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